dimanche 9 mai 2010

Trois lignes d'évolution dans l'orientation en Lycée

On peut repérer trois modifications dans l'orientation en Lycée général et technologique : l'organisation de l'offre de formation, l'aide à l'orientation et procédures d'orientation.

L'organisation de l'offre de formation se voudrait très nouvelle

On est revenue sur l'offre modulaire de la réforme proposée par Xavier Darcos, qui supposait un lycée à la carte, pour au contraire un lycée commun, avec le maximum de formation commune pour reculer le moment des choix d'orientation, et réduire leur importance.

La seconde se voudrait une réelle seconde de détermination avec 80% d'enseignement en commun. Les options ne seraient plus déterminantes ! Est-ce une nouveauté ? Ce le sera, si en effet cela se fait enfin ! Cette indétermination des options était déjà décrétées depuis plus de dix ans, mais rarement mise en œuvre, car elle supposait que les établissements mettent en place des « modules de rattrapages ».

Et que dire de la première seconde de détermination (« indéterminée » comme l'appelaient les enseignants et les chefs d'établissement tant ils étaient choqués par la disparition des filières dès la seconde. Cette seconde devaient (déjà) permettre de découvrir des matières nouvelles, ou présentées de manière nouvelle aux jeunes lycéens. Ces classes devaient être hétérogènes, faisant suite à la réforme Haby du collège. Sauf que bien sûr on les organisa au mieux des emplois du temps, autour des options identiques, et même dans certains cas des dossiers des élèves, reconstituant ainsi une ébauche de filière dès la seconde.

Nouveauté au niveau des premières ? Chaque première serait organisée autour d'une communauté d'enseignements de 60%. Permettant en cours d'année de faire des changements d'orientation. La spécialisation réelle se faisant au niveau de la terminale. Bien sûr les tenants d'une forte spécialisation de chaque bac sont contre.

Que se passe-t-il ? On peut faire l'hypothèse que nous suivons la même évolution qui s'est joué avec la mise en place de l'école unique au cours de la première moitié du vingtième siècle, puis celle du collège unique dans sa deuxième moitié. Nous inaugurons une nouvelle ère, celle du lycée unique. Hypothèse que nous formulons depuis plus de vingt ans.

L'aide à l'orientation s'intègre à l'enseignement

Là encore nous avons la manifestation d'une hypothèse que nous formulions depuis bien longtemps également. Le fonctionnement de l'aide à l'orientation se trouve incorporé de plus en plus dans celui de l'établissement scolaire, exécuté par ses propres ressources, et relève de l'ensemble de ses personnels et non plus de personnels « spécialisés » tels que conseiller d'orientation-psychologues et professeur principal.

L'accompagnement personnalisé, obligatoire pour tous, et réalisable par tous (potentiellement), fait partie de l'enseignement commun de la seconde à la terminale. Il sera sous la responsabilité pour sa mise en œuvre du professeur principal, mais pour sa conception, du Conseil pédagogique. Où sera la personnnalisation ? Qui en décidera ? Mystère, mystère.

Heureusement, « Du 3 au 22 mars, des séminaires interacadémiques sont organisés à Caen, Lyon, Bordeaux et Paris sur l'accompagnement personnalisé des élèves au lycée. Les séminaires définissent la démarche et l'articulation des trois dispositifs, inscrits au projet d'établissement, qui composent l'accompagnement personnalisé :

  • l'accompagnement personnalisé ;

  • le tutorat ;

  • les stages de remise à niveau et les stages passerelles.

Ils contribuent au parcours de formation et d'orientation de l'élève. » (Eduscol)

Cet accompagnement personnalisé, a pour enjeu de permettre à l’élève d’acquérir des compétences dans le cadre d’activités coordonnées de soutien, d’approfondissement et d’aide à l’orientation.

Dans la partie consacrée à l'orientation, on trouvera des « activités de découverte des métiers et des formations, y compris in situ, contacts avec des représentants de branche professionnelles, avec des établissements de l’enseignement supérieur (orientation active) etc. » (in Le nouveau Lycée, l'accompagnement personnalisé, http://media.education.gouv.fr/file/reforme_lycee/31/2/Le-nouveau-lycee-accompagnement-personnalise_135312.pdf).

On a donc là, d'un côté une poursuite du PDMF généralisé au collège à la rentrée septembre 2009, et d'une autre l'intégration de l'orientation active mise en œuvre depuis deux ans.

Le collège a développé, non sans mal, depuis 1987 avec le TSO, puis l'éducation à l'orientation et aujourd'hui le PDMF (parcours de découverte des métiers et des formations) des pratiques éducatives en matière d'orientation. Qu'en sera-t-il pour le lycée ? Nous avons là une réelle innovation institutionnellei mais qui réclamera un fort accompagnement.

Autre innovation, le tutorat qui portera sur l'enseignement mais également sur l'orientation. Il suppose un développement de la relation duelle, enseignant-élève, pas du tout habituelle pour un enseignant français. Il avait été proposé il y a bien longtemps au moment de la consultation dite Legrand au début des année 80, et très mal accueilli par le corps enseignant de l'époque. Les représentations professionnelles ont-elles changées ?

Là encore, le tutorat comme l'accompagnement personnalisé remettent en cause la définition du contenu du temps de travail de l'enseignant français : l'heure devant la classe.

Vers une disparition des procédures d'orientation en Lycée

L'évolution que nous repérons correspond à la volonté de réduire les redoublements. Rappelons que la France est la championne des redoublements (http://www.scienceshumaines.com/index.php?lg=fr&id_article=15054), et que par ce dispositif « pédagogique », 49% des élèves de 15 ans sont en seconde (âge normal dans cette classe).

Le Monde dans son supplément du 10 février 2010 présente ce changement de la manière suivante :

« Un stage de remise à niveau peut être recommandé à un lycéen par le conseil de classe. Il est organisé par le chef d'établissement. Le lycéen qui l'accepte s'engage à le suivre et peut ainsi éviter un redoublement. Il peut être proposé aux élèves sur la base du volontariat ou, en cours d'année, à ceux qui rencontrent une difficulté nécessitant une aide ponctuelle renforcée. Ces stages de remise à niveau sont organisés au cours de l'année ou pendant les vacances, selon les établissements. »

Le Code l'éducation (dont nous avons reconstituéii les modifications apportées par le décret décret n° 2010-100 du 27-1-2010 - J.O. du 28-1-2010 formule les choses de la manière suivante :

Article D331-34

Lorsque les propositions ne sont pas conformes aux demandes, le chef d'établissement, ou son représentant, reçoit l'élève et ses parents ou l'élève majeur, afin de les informer des propositions du conseil de classe et de recueillir leurs observations. « Le chef d'établissement présente, à cette occasion, les recommandations émises par le conseil de classe dans les conditions définies à l'article D. 331-32. »

Le chef d'établissement prend ensuite les décisions d'orientation ou de redoublement, dont il informe l'équipe pédagogique, et les notifie aux parents de l'élève ou à l'élève majeur.

« Le chef d'établissement peut assortir sa décision de faire droit à la demande d'orientation de l'élève de la condition que celui-ci s'engage à suivre un dispositif de remise à niveau, notamment lorsque le conseil de classe l'a recommandé, avec l'accord écrit de ses représentants légaux dans le cas d'un élève mineur. »

Les décisions non conformes aux demandes font l'objet de motivations signées par le chef d'établissement.

Les motivations comportent des éléments objectifs ayant fondé les décisions, en termes de connaissances, de capacités et d'intérêts. Elles sont adressées aux parents de l'élève ou à l'élève majeur qui font savoir au chef d'établissement s'ils acceptent les décisions ou s'ils en font appel, dans un délai de trois jours ouvrables à compter de la réception de la notification de ces décisions ainsi motivées.

Pour que cela s'inscrive dans la réalité il nous semble que trois conditions trois être réunis :

  • Une information des familles et des élèves doit être organisée sur ce nouveau « droit ». A ce jour aucune directive en ce sens n'est donnée. On ne trouve rien dans le spécial Lycée après la troisième de l'ONISEP.

  • Une volonté de la part des enseignants d'organiser et de faire vivre les stages dispositifs de remise à niveau. Le rôle du Conseil pédagogique sera déterminant.

  • Et enfin une détermination de la part des chefs d'établissement, qui sera sans doute aiguillonnée par la hiérarchie notamment au travers des lettres de mission.


Un autre assouplissement qui devrait réduire également les redoublements porte sur la réorientation. Le texte dit ceci :

Article D331-29

A l'intérieur des cycles des collèges et des lycées, le redoublement ne peut intervenir qu'à la demande écrite des parents de l'élève ou de l'élève majeur, ou, sur proposition du conseil de classe, avec l'accord écrit des intéressés.

« À l'intérieur du cycle terminal de la voie générale et de la voie technologique du lycée, un changement de voie d'orientation peut être réalisé, en cours ou en fin d'année, sur demande écrite des responsables légaux ou de l'élève majeur, après avis du conseil de classe. Lorsque ce changement a lieu dans le même établissement, il est prononcé par le chef d'établissement dans le délai d'un mois qui suit la demande. Lorsque le changement implique l'affectation dans un autre établissement, il est prononcé par l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'Éducation nationale, dans les conditions fixées à l'article D. 331-38, après avis du chef de l'établissement d'accueil. »

Curieusement, alors que cette modification ne sera mise en œuvre que dans deux ans, cette possibilité est largement rendue publique. On pourrait traduire cette communication par le message « au fond vous pouvez vous tromper aujourd'hui, vous pourrez vous rattraper ». La question sera se rattraper dans quel sens ? Aller vers la terminale scientifique ou en sortir ? Et ces changements d'orientation se feront sans ou avec pression ? (voir notre article Réforme des lycées et orientation, deuxième lecture http://bdesclaux.jimdo.com/2010/02/09/r%C3%A9forme-des-lyc%C3%A9es-et-orientation-deuxi%C3%A8me-lecture/ )

Pour terminer et conforter le titre de cette partie, rapportons l'écrit du Délégué interministériel à l'orientation :

« Cette nouvelle architecture, qui permet des changements d’orientation jusqu’en première, se double d’un assouplissement des procédures d’orientation.Le projet de décret « orientation »introduit ainsi la possibilité de changer de voie en cours ou en fin d’année à l’intérieur du cycle terminal. Il prévoit à cet effet l’organisation de stages passerelles pour permettre l’acquisition des prérequis dans les disciplines de spécialisation. Ces dispositions constituent un pas important vers la disparition des procédures autoritaires, qui contribuent à l’image d’une orientation subie au lycée : près de 20% des décisions des conseils de classe vont à l’encontre des vœux formulés par l’élève et sa famille et les nombreux redoublements alimentent les sorties sans diplôme. A terme, la suppression du palier d’orientation à la fin de la seconde générale et technologique apparaît souhaitable. Cela permettrait de responsabiliser pleinement les élèves et leurs parents et de ne pas limiter les choix aux seuls critères de résultats. »

Extrait du Rapport annuel d’activité, année 2009, du délégué interministériel à l’orientation, p. 5

Bernard Desclaux publié le 12 mars 2010

iCf Bernard Desclaux L'éducation en orientation en tant qu'innovation. Publié en fait en 2005 dans la revue Perspectives documentaires en éducation, n° 60, 2003, L'éducation à l'orientation, pp 19-32 (cf. ici même http://www101.jimdo.com/app/521279/227646450/

iiSur mon blogsite à cette adresse vous pouvez récupérer cette reconstitution http://bdesclaux.jimdo.com/documents/r%C3%A9forme-du-lyc%C3%A9e/

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