jeudi 17 juin 2010

Argumentation pour le maintien et la définition du CIO


Remarque préalable


L’argument sur la notion de réseau de proximité est malheureusement à relativiser de par la réalité du maillage actuel des CIO, notamment hors des grandes zones urbaines. Les décisions des Conseil généraux de se défausser des CIO « départementaux » risque de remettre en cause encore plus ce maillage. Rappelons que le décret de création du CIO imposait à l’état une étatisation de tous les CIO dans un délai de cinq ans.

Il n’empêche que nous chercherons ici à formuler des arguments de principe.

1/ Le CIO est un service administratif extérieur aux établissements scolaires. Les COP y sont nommés. Tout en travaillant dans l’établissement sous l’autorité du chef d’établissement et dans le cadre du projet d’établissement, il reste indépendant de lui, et son service est défini par le Directeur de CIO.

2/ A la différence du COSP (59-70), le CIO est un espace ouvert au public. C’est une situation très particulière et rare dans le cadre de l’éducation nationale. Ceci suppose notamment qu’un personnel technique (COP) devrait être présent et accessible sur tout le temps d’ouverture au public.

3/ C’est un service ouvert à tout public. Bien sûr, le CIO est fréquenté par les jeunes scolaires (du public et du privé) et leurs parents, aujourd’hui par les étudiants, mais également de plus en plus par les jeunes adultes en recherche d’insertion ou de formation, et par les adultes en recherche d’une reconversion. D’une certaine manière, le CIO est impliqué de fait et depuis longtemps dans l’orientation tout-au-long de la vie.

4/ Les modalités de conseil et d’information sont déjà très diversifiées :
• La réception physique bien sûr des demandeurs sous différentes formes ;
• Les réponses téléphoniques, aux courriers et aux mel sont courantes ;
• Les auto-documentations papiers sont de plus en plus supplantées par la consultation accompagnée des ressources sur le net ;
• Certains CIO développent des ressources électroniques locales accessibles par le public.

5/ Dans le cadre d’un travail prioritaire auprès des public à besoin particulier, il est sans doute nécessaire de disposer d’un espace neutre, hors de l’établissement scolaire.

6/ Le CIO est observatoire du bassin. Etant extérieur et non-dépendant des établissements, il est à même de produire des données et des études sur le fonctionnement notamment de l’orientation au niveau du bassin.

7/ Enfin les nouvelles missions des COP vis-à-vis des établissements vont demander le développement de nouvelles compétences professionnelles chez les COP (conseil technique, ingénierie, formation). Cela nécessite un travail d’équipe, un travail collectif, hors de l’établissement, aussi bien pour exercer que pour développer ces compétences. Voir un billet précédent : Pilotage et conseil technique dans l’établissement scolaire : des compétences collectives et pas seulement individuelles
http://desclaux.blogspot.com/2010/05/pilotage-et-conseil-technique-dans.html

Bernard Desclaux

mercredi 16 juin 2010

Un changement de conception de l’orientation est-il pensable ?

Le changement est-il concevable pour nos organisations syndicales ? La lecture des remarques syndicales à propos du projet du ministère me fait penser qu’aucun changement n’est acceptable par ces organisations. Ce texte ne peut être accepté par celles-ci qu’à la condition de reproduire les textes actuels. Toute nouveauté est suspecte. Bien sûr ce texte peut être amélioré et c’est la fonction des syndicats, mais mesurer l’acceptabilité d’un nouveau texte à l’aune de sa reproduction de l’ancien texte parait très … conservateur et peu prospectif.

Je vais donc affirmer que ce texte , le dernier texte (je n’ai pas eu connaissance du premier), me semble tout à fait acceptable. Et je ferai deux remarques.

Le contexte du grand service public d’orientation tout au long de la vie

Dans ce contexte, il me semble, et c’est sans doute paradoxal aux yeux de nos syndicats, que ce texte défend les conseillers d’orientation-psychologues. Au fond le ministère comme toute institution défend ses personnels. Comment va se construire ce grand service ? En attribuant des missions aux personnels des organismes déjà existants. Il ne s’agit pas de création d’une nouvelle entité dotée de nouveaux personnels. Le contexte ne va pas dans ce sens. On se servira de l’existant.

Et donc face à la Délégation interministérielle de l’orientation, chaque institution, chaque organisme, doit à la fois faire en sorte d’être reconnue apte à participer à ce « Service » (être labellisé), mais doit également faire en sorte de ne pas s’y perdre totalement et de pouvoir maintenir ses missions propres, ses missions spécifiques. Il me semble que c’est ce que fait ce texte. Il délimite fortement les missions spécifiques, internes à l’éducation nationale tout en ouvrant la possibilité de participer à ce « Service ». Bien sûr dans ce double mouvement, le « libre arbitre » du conseiller disparaît, et un certain nombre de priorités sont affirmées. Ces priorités correspondent à des évolutions de fond de la conception de l’orientation.

Les conceptions de l’orientation ont évoluées dans le temps

Avec la « démographisation », comme disait Prost, puis l’objectif des 80%, le travail des conseillers est passé petit à petit d’une centration en priorité sur les « orientés vers le professionnel » à un travail auprès de tous dans une perspective de l’accès à un baccalauréat, puis maintenant à un accès aux études supérieures. Après le testing jusque dans les années 70, c’est l’entretien qui est devenu la pratique centrale en matière d’orientation, à tel point que les enseignants eux-mêmes doivent s’y mettre eux aussi.
Si on remonte plus loin, les conseillers étaient des conseillers d’orientation professionnelle. Ils travaillaient à la fin du primaire et dans le primaire supérieur, testaient les élèves afin de les orienter et de les placer dans diverses formations professionnelles dont l’apprentissage. Rappelons que la création institutionnelle des conseillers d’OP se fait en 1938 pour enfin faire fonctionner l’orientation vers l’apprentissage créé en 1919. On peut imaginer le bouleversement pour les collègues de l’époque lorsqu’en 1959 avec la réforme Berthoin, ils deviennent des conseillers d’orientation scolaire et professionnelle ! Ils entrent dans le secondaire et surtout vont servir à mettre en place les procédures d’orientation. C’est là leur grande utilité pour le système qui a besoin d’un levier extérieur à la profession enseignante pour mettre en place ces procédures.
Je fais l’hypothèse qu’au fond on se trouve dans la même configuration : le système a besoin d’un levier extérieur pour la mise en œuvre des réformes éducatives concernant l’orientation. Bien sûr on a là un changement très fort de pratique qui remet en cause les relations professionnelles des conseillers avec les autres acteurs (voir un certain nombre de billets précédents : http://desclaux.blogspot.com/2010/05/pilotage-et-conseil-technique-dans.html ; http://desclaux.blogspot.com/2010/05/la-mission-dinformation-pour.html ; http://desclaux.blogspot.com/2010/05/lattribution-aux-enseignants-de-laide.html ; http://desclaux.blogspot.com/2010/05/lorientation-tout-au-long-de-la-vie.html ).

De même que le processus d’entrée en apprentissage qui nécessitait l’examen d’orientation a disparu, on peut faire l’hypothèse que très bientôt les procédures d’orientation (qui nécessitent une fonction d’information et de conseil) vont disparaître . Heureusement nos prédécesseurs ne se sont pas arque boutés sur l’examen d’orientation comme pratique incontournable en orientation.

Bernard Desclaux