dimanche 9 mai 2010

Réforme du lycée et orientation

Après avoir jonglé avec le décret n° 2010-100 du 27-1-2010 - J.O. du 28-1-2010 (NOR > MENE0929872D) Enseignements du second degré des voies générale et technologique, information et orientation, modification du code de l'Éducation (partie réglementaire - Livre III) (RLR: 501-0 ; 523-0), et le Code de l'Education dans sa partie réglementaire, j'ai décidé de faire un document afin de reconstituer les modifications apportées au Code, et peut-être d'y voir plus clair.

Ce document se trouve sur mon site à l'adresse http://bdesclaux.jimdo.com/documents/r%C3%A9forme-du-lyc%C3%A9e/?logout=1

Cette lecture apaisée, m'amène à vous proposer ce commentaire.

Tout d'abord cette réforme ne s'applique aux deux voies de formation générale et technologique. D'une manière générale, la philosophie de ce texte est la recherche d'un assouplissement de la circulation des élèves à l'intérieur de ces deux voies, par l'introduction de deux possibilités à la fois pour les élèves et parents, mais aussi pour le chef d'établissement. (les parties en italique correspondent aux modifications nouvelles).

Première possibilité, celle introduite à l'article D331-29

« À l'intérieur du cycle terminal de la voie générale et de la voie technologique du lycée, un changement de voie d'orientation peut être réalisé, en cours ou en fin d'année, sur demande écrite des responsables légaux ou de l'élève majeur, après avis du conseil de classe.

Deuxième possibilité introduite par l'article D331-32

Les demandes d'orientation sont examinées par le conseil de classe qui prend en compte l'ensemble des informations réunies par ses membres sur chaque élève ainsi que les éléments fournis par l'équipe pédagogique dans les conditions précisées par le décret n° 85-924 du 30 août 1985 relatif aux établissements publics locaux d'enseignement. Le conseil de classe émet des propositions d'orientation, dans le cadre des voies d'orientation définies par l'arrêté mentionné à l'article D. 331-36, ou de redoublement.

« Lorsque ces propositions ne sont pas conformes aux demandes, le conseil de classe peut recommander que l'élève suive un dispositif de remise à niveau. »

A l'intérieur des cycles terminaux, les changements de filières étaient extrêmement rares et relevaient jusqu'à présent du seul bon vouloir du chef d'établissement. Ce texte encadre désormais cette possibilité et surtout la rend officielle par son inscription dans le Code de l'éducation. Une information aux élèves et aux familles sur cette possibilité peut donc être effectuée. Il y a également un assouplissement en rendant cette demande et sa mise en œuvre en cours d'année et pas seulement en fin d'année de première comme cela l'était.

Restent quelques problèmes pour la mise en œuvre de cette belle intention.

Ceci suppose très clairement un changement de classe de l'élève. Il va occuper une autre place dans une autre classe, mais bien sûr à la condition qu'il y ait une place libre à occuper ! Or dans quels sens se feront ces demandes, de quelles classes vers qu'elles autres classes ? D'une filière littéraire ou économique vers une filière scientifique ? Ou plus vraisemblablement l'inverse ?

Autre interrogation. Dans ces modifications du Code de l'éducation, rien n'est dit concernant le recours face à un refus de réorientation prononcé par le chef d'établissement. S'il s'agit d'une décision du chef d'établissement, on est donc bien dans le cadre d'une décision administrative qui suppose d'une part d'être motivée, et par quoi en l'occurrence, et d'autre part qui doit pouvoir être contestée.

Sur mon site vous trouverez divers textes à propos des procédures : http://bdesclaux.jimdo.com/congr%C3%A9s-colloques/30-ans-les-nouvelles-proc%C3%A9dures/

Comment imaginer que la commission d'appel, siégeant en fin d'année scolaire puisse-t-être saisie pour la contestation d'une décision prise au premier trimestre ? On ne peut non plus imaginer la mise en place de commissions à la suite des conseils de classe des deux premiers trimestres ! Situation litigieuse en droit administratif.

Autre interrogation, en particulier pour les connaisseurs du fonctionnement des établissements. Les demandes de réorientation peuvent être manipulées, plus ou moins consciemment d'ailleurs. Il est d'ailleurs créé un tutorat d'orientation pour aider les élèves. Tous les élèves, certains d'entre eux ? Tutorat réalisé par qui ? Par une personne « neutre », ou par un enseignant de la classe ?

On sait très bien que l'on peut vivement encourager quelqu'un à demander une réorientation. Et les raisons réelles de telles pressions, ne sont pas nécessairement « pédagogique ». Un élève invité à se réorienter a de grande chance d'être considéré comme étant d'abord en difficulté dans sa classe (l'orientation en France se justifie essentiellement par la difficulté scolaire et non par l'intérêt motivationnel) . S'il est réorienter, il va « alléger » la tâche enseignante de sa classe d'origine. On n'exclue pas non plus les questions « réputationnelles » pour l'établissement. On augmente le pourcentage de réussite au bac en réorientant les élèves considérés comme étant en difficulté.

Le deuxième assouplissement est également intéressant. Il permettrait, en tout cas c'est sans doute son objectif, de réduire les redoublements de seconde. Passage dans la classe demande assorti d'un dispositif d'accompagnement. D'un côté on essaie de réduire les doublements, et de l'autre, on donne une chance à l'élève de se rattraper par ce dispositif.

Mais on risque de se retrouver dans un système de négociation : passage supposant acceptation, et refus amenant au redoublement. On ne voit pas très bien, dans le cadre temporel des procédures, à quel moment l'acceptation et du passage et de suivre le dispositif se prennent. Sans doute au moment de la rencontre avec le chef d'établissement, après le conseil de classe du troisième trimestre.

Autre difficulté. Difficile de penser la possibilité de la mise en œuvre d'un dispositif individuel dans notre système français. Qui va l'exercer ? Sur quels horaires ? Le Conseil pédagogique sera sans doute sollicité pour concevoir la possibilité de tels dispositifs qui seront à monter de manière ad hoc, à moins de prévoir à l'avance le nombre et la nature des réorientation et leurs moment !

A suivre attentivement donc.

Serons-nous dans l'arrangement ou le conflit ?

Quels seront les marges de manœuvre réelle pour les chefs d'établissement compte tenu de la structure de leur établissement ?

Et quel sera l'engagement pédagogique des enseignants pour rendre possible ces « rattrapages » ?

Publication originale le 9 février 2010

Bernard Desclaux

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