Le changement est-il concevable pour nos organisations syndicales ? La lecture des remarques syndicales à propos du projet du ministère me fait penser qu’aucun changement n’est acceptable par ces organisations. Ce texte ne peut être accepté par celles-ci qu’à la condition de reproduire les textes actuels. Toute nouveauté est suspecte. Bien sûr ce texte peut être amélioré et c’est la fonction des syndicats, mais mesurer l’acceptabilité d’un nouveau texte à l’aune de sa reproduction de l’ancien texte parait très … conservateur et peu prospectif.
Je vais donc affirmer que ce texte , le dernier texte (je n’ai pas eu connaissance du premier), me semble tout à fait acceptable. Et je ferai deux remarques.
Le contexte du grand service public d’orientation tout au long de la vie
Dans ce contexte, il me semble, et c’est sans doute paradoxal aux yeux de nos syndicats, que ce texte défend les conseillers d’orientation-psychologues. Au fond le ministère comme toute institution défend ses personnels. Comment va se construire ce grand service ? En attribuant des missions aux personnels des organismes déjà existants. Il ne s’agit pas de création d’une nouvelle entité dotée de nouveaux personnels. Le contexte ne va pas dans ce sens. On se servira de l’existant.
Et donc face à la Délégation interministérielle de l’orientation, chaque institution, chaque organisme, doit à la fois faire en sorte d’être reconnue apte à participer à ce « Service » (être labellisé), mais doit également faire en sorte de ne pas s’y perdre totalement et de pouvoir maintenir ses missions propres, ses missions spécifiques. Il me semble que c’est ce que fait ce texte. Il délimite fortement les missions spécifiques, internes à l’éducation nationale tout en ouvrant la possibilité de participer à ce « Service ». Bien sûr dans ce double mouvement, le « libre arbitre » du conseiller disparaît, et un certain nombre de priorités sont affirmées. Ces priorités correspondent à des évolutions de fond de la conception de l’orientation.
Les conceptions de l’orientation ont évoluées dans le temps
Avec la « démographisation », comme disait Prost, puis l’objectif des 80%, le travail des conseillers est passé petit à petit d’une centration en priorité sur les « orientés vers le professionnel » à un travail auprès de tous dans une perspective de l’accès à un baccalauréat, puis maintenant à un accès aux études supérieures. Après le testing jusque dans les années 70, c’est l’entretien qui est devenu la pratique centrale en matière d’orientation, à tel point que les enseignants eux-mêmes doivent s’y mettre eux aussi.
Si on remonte plus loin, les conseillers étaient des conseillers d’orientation professionnelle. Ils travaillaient à la fin du primaire et dans le primaire supérieur, testaient les élèves afin de les orienter et de les placer dans diverses formations professionnelles dont l’apprentissage. Rappelons que la création institutionnelle des conseillers d’OP se fait en 1938 pour enfin faire fonctionner l’orientation vers l’apprentissage créé en 1919. On peut imaginer le bouleversement pour les collègues de l’époque lorsqu’en 1959 avec la réforme Berthoin, ils deviennent des conseillers d’orientation scolaire et professionnelle ! Ils entrent dans le secondaire et surtout vont servir à mettre en place les procédures d’orientation. C’est là leur grande utilité pour le système qui a besoin d’un levier extérieur à la profession enseignante pour mettre en place ces procédures.
Je fais l’hypothèse qu’au fond on se trouve dans la même configuration : le système a besoin d’un levier extérieur pour la mise en œuvre des réformes éducatives concernant l’orientation. Bien sûr on a là un changement très fort de pratique qui remet en cause les relations professionnelles des conseillers avec les autres acteurs (voir un certain nombre de billets précédents : http://desclaux.blogspot.com/2010/05/pilotage-et-conseil-technique-dans.html ; http://desclaux.blogspot.com/2010/05/la-mission-dinformation-pour.html ; http://desclaux.blogspot.com/2010/05/lattribution-aux-enseignants-de-laide.html ; http://desclaux.blogspot.com/2010/05/lorientation-tout-au-long-de-la-vie.html ).
De même que le processus d’entrée en apprentissage qui nécessitait l’examen d’orientation a disparu, on peut faire l’hypothèse que très bientôt les procédures d’orientation (qui nécessitent une fonction d’information et de conseil) vont disparaître . Heureusement nos prédécesseurs ne se sont pas arque boutés sur l’examen d’orientation comme pratique incontournable en orientation.
Bernard Desclaux
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